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La quête d’un ami français par Josef Gottwald

Je ne suis pas doué pour faire des rencontres avec les gens. Je pensais que ce serait peut-être différent en France. Tout au contraire c’est beaucoup plus difficile. Dans une langue différente, dans un pays étranger, je ne me suis pas encore fait d’amis et ça me déplaît. Je n’ai pas honte de le dire. En France, je me sens comme dans un rêve. Donc rien ne compte vraiment. Alors je dois décider maintenant si je vais me réveiller de ce rêve avec ou sans copains français.

Après mon cours, j’étais en train de marcher en direction du métro quand une de mes camarades de classe a commencé à me parler. J’étais bien content parce que c’était la première Française qui me parlait. Elle m’a demandé si je m’étais déjà fait des amis. Et moi j’ai dit très distinctement : « Non. » En fait j’avais déjà rencontré des jeunes mais seulement des étrangers et surtout des Américains. Je les trouvais désagréables et bruyants. Je cherchais quelque chose de mieux.

La jeune fille m’a dit que les Français sont difficiles à aborder. « Comme un bateau ? », j’ai répondu. « Exactement. » Maintenant dans ma tête, j’imagine tous les Parisiens comme des bateaux. Peut-être cela semble étrange mais le but est plus clair dans ce sens. Je dois trouver un ami ou je risque de me noyer.

À la gare SNCF un homme m’a parlé. Je n’ai pas bien compris ce qu’il disait et je pensais qu’il voulait de l’argent. J’ai été averti des trucs que font les voleurs. Mais il m’a dit qu’il attendait son train et qu’il aimerait bien parler avec quelqu’un. J’étais très prudent car je n’avais jamais rencontré une personne si amicale. Je lui ai dit que je n’avais pas le temps pour un café mais qu’il pouvait se joindre à moi sur le quai en attendant le train. Nous avons parlé pendant quinze minutes jusqu’à ce que le train arrive en gare. Je lui ai donné mon email car je n’ai pas encore de numéro de téléphone (et si j’en avais eu un, je ne lui aurai pas donné). Quand il est parti, il m’a serré la main alors que je croyais qu’il me demanderait quelque chose ou m’attaquerait. Puis il est parti et moi, je suis senti comme un imbécile d’être si pessimiste.

En lisant ce que j’ai écrit jusqu’à maintenant, je me rends compte que je suis pointilleux. La plupart des Français sont difficiles à aborder, ça c’est sûr. Mais certains, comme l’homme que j’ai décrit, sont différents, et le fait qu’il ait été si aimable m’a fait peur. Je cherche quelque chose entre les deux. Je sais que je ne suis pas en position d’avoir des requêtes mais je sais ce que je veux. Je sais qui j’aime et je sais qui est désagréable et bruyant. Je sais quand les gens ne s’intéressent pas à un étranger. Et je sais quand un homme dans une gare donne l’impression qu’il  peut me poignarder.

Josef Gottwald

Printemps 2013