Il y a quelque chose de très intéressant à dire sur le bus de nuit – le Noctilien. C’est un moment, un lieu où tous les hommes, les femmes se réunissent à la fin de leurs journées. Une façon de retourner au familier après une nuit blanche dans les rues vivantes de Paris. Une façon d’avoir un peu de silence et de solitude collective bien mérités à la fin de la longue pièce de théâtre qui s'appelle une soirée. Peu importe si vous n’avez pas de billet ou un euro quatre-vingt dans votre poche – les conducteurs ferment gentiment les yeux sur tout ce qui se passe dans la réflexion du miroir arrière. Deux jeunes déguisés en noir, mouillés par l’effervescence après leur première sortie en club, même pas dix-huit ans. Un journaliste qui vient de se réveiller d’un petit dodo riche des rêves de stress après une journée fastidieuse au bureau. L’ivrogne du quartier, toujours en train de marmonner sa propre l’histoire à tous ceux qui ne veulent pas écouter. L’étrangère, pas sûr si elle est en train de voyager dans la mauvaise direction pour trouver les Champs-Élysées. Et l’homme dont il est presque impossible de deviner où il part, d’où il revient, la bave dégoulinante sur son menton, tout seul dans son propre monde de rêverie. Les personnages descendent et montent comme dans une danse chorégraphiée qui ne permet jamais au Noctilien, le bus de nuit, de se vider. Ici, on peut voir le vrai Paris, tout cru.
Ansley Arnow